Deux remarques générales sont à faire à ce sujet. D’une part, l’impact du réchauffement climatique est sous-estimé, alors que ses effets se font déjà sentir sur la disponibilité et la qualité de l’eau et sur l’ampleur des risques. Il devient urgent d’agir. D’autre part, à la faveur de la réforme de la PAC, il faut trouver pour l’agriculture une meilleure harmonie entre objectifs économiques, aujourd’hui prépondérants, et écologiques.
1-Le petit cycle de l’eau
Les collectivités territoriales « sous-investissent » probablement dans le renouvellement de leurs réseaux (1.3.5.1, p 74), spécialement dans l’assainissement si l’on en juge par leur médiocre performance et par les retards enregistrés au regard des exigences de la directive ERU (2.4.2.1, p 180). Beaucoup de réseaux d’alimentation en eau potable enregistrent un taux de perte excessif (2.1.5, p 112). Ces collectivités doivent aussi tenir compte des conséquences du réchauffement climatique (l’aléa) et modifier les normes techniques de dimensionnement des réseaux de collecte des eaux pluviales ou d’assainissement (2.1.7, p 114).
Trop d’élus locaux méconnaissent encore le droit communautaire et rechignent à investir dans un domaine peu visible des électeurs. Il convient donc d’organiser la responsabilité des collectivités territoriales en cas de méconnaissance du droit communautaire (2.5.1.2) se traduisant par une condamnation de la CJUE.
La balkanisation de la gestion (1.3.4, p 68), de l’organisation (1.3.3, p 64), du droit (1.2.3.2.1, p 44), de la police (2.5.3.1, p 215)…. reste excessive. La solution consiste à regrouper mais la méthode à suivre pour y parvenir fait elle-même débat (2.3.1.1, p 134).
La péréquation des tarifs entre grandes catégories d’utilisateurs reste mal appréhendée, tandis que le secteur agricole ne couvre pas les coûts (1.3.5.2.3, p 79 et 2.4.1.1, p 164).
Faut-il conserver deux services publics de nature industrielle et commerciale (SPIC), l’eau potable et l’assainissement, et un service public administratif (SPA), la collecte des eaux pluviales (annexe 11, p 345), ou s’acheminer vers trois SPIC (2.1.8, p 116) ?
Jusqu’où peut-on faire assurer l’essentiel du financement de la politique de l’eau par le consommateur urbain d’eau potable (2.3.8.2, p 162) ?
2-Le grand cycle de l’eau
La connaissance du grand cycle de l’eau demeure insuffisante, tandis que sa gestion et son financement ne sont pas organisés (2.1.10, p 121). De nouvelles priorités sont à prendre en compte : connaître l’ampleur de la ressource disponible et exploitable ; prendre la mesure des bouleversements induits par le réchauffement climatique ; améliorer la qualité des milieux en luttant contre les anciennes et nouvelles formes de pollutions ; tarifer les prélèvements pour l’irrigation et l’énergie en prenant en considération le coût d’opportunité et le coût écologique ; mettre en place des outils adéquats pour résoudre des conflits d’usage plus nombreux et sans doute plus violents.
Il convient de préciser le degré d’utilisation souhaitable des eaux pluviales (avec aujourd’hui une valeur économique négative) (2.1.8, p 116) et de réutilisation des eaux usées (2.1.9, p 118). Les règles et conditions de cette utilisation ou réutilisation sont également à préciser.
Les problèmes quantitatifs posés durant les périodes d’étiage par les prélèvements pour l’irrigation sont sous-estimés (2.4.1.3.1, p 170).
Une lutte plus efficace contre les inondations passe par une prescription plus large des plans de prévention des risques naturels (PPRN), par un plus grand respect de ces plans et par une meilleure surveillance des barrages (2.4.2.2, p 182). Le financement de la lutte contre les inondations n’est pas non plus assuré de manière pérenne.
Comment se conformer dans des délais souples aux objectifs de la directive cadre sur l’eau (DCE) ?
Un problème va émerger, celui des modalités de la solidarité à organiser entre les bassins versants en matière de transferts d’eau sur une longue distance (2.3.2, p 141).
3-Les problèmes juridiques
La complexité du droit et de l’organisation résulte en partie de la nature des choses mais pas seulement. Elle est renforcée par l’instabilité de la loi (2.5.2.4, p 204). L’axe majeur des propositions en découle : simplifier.
Par exemple, en prévoyant des procédures comportant des instructions conjointes ou mixtes en cas de pluralité des législations applicables (2.5.2.2, p 202). La codification apparaît aussi comme un des remèdes. On peut enfin mieux articuler droit international et droit national. Un exemple en est donné dans le rapport : la définition des zones humides (2.5.2.1, p 200).
La portée du principe pollueur/payeur. Désormais inscrit dans la Constitution (charte de l’environnement), ce principe n’a jamais été intégralement appliqué par les agences de l’eau et l’agriculture y échappe encore largement. Se greffe sur cette problématique le problème incident de la qualification des redevances perçues par les agences de l’eau. Initialement considérées comme des redevances sui generis (avis de la section des travaux publics du 27-7-1967 et décision du Conseil d’Etat du 21 novembre 1973 Soc. des papeteries de Gascogne), elles sont devenues des impositions de toute nature (décision 82-124 DC du 23 juin 1982, solution reprise par le Conseil d’Etat statuant au contentieux le 20-12-1985, Assemblée, SA des établissements Outers ; loi du 30 décembre 2006). Le droit public ne comporte dès lors plus de levier qui permette de moduler les incitations et sanctions selon la pollution provoquée ou évitée. C’est une contrainte de taille pour mener une lutte efficace contre les pollutions des milieux aquatiques : celle-ci suppose de pouvoir faire varier le montant du prélèvement selon le degré de la pollution émise.
Trop souvent, le droit de l’eau use d’outils peu performants ou aux résultats décevants (gestion en volume pour les prélèvements d’eau brute pour l’irrigation 2.4.1.3.3, p 173 ; appel aux démarches volontaires pour limiter la pollution par les engrais 2.4.1.2.3, p 168 ; existence d’un régime de déclaration comportant des failles pour les installations, ouvrages et travaux 2.5.3.2.1, p 216 ; faiblesse des contrôles et des sanctions 2.5.3.2.2, p 218…).
Droit de l’eau et droit de propriété. La législation française a évité de soulever la question de la complexité des droits de propriété et/ou d’usage sur l’eau, alors qu’elle n’a pas cessé de renforcer les pouvoirs de la police de l’eau. En particulier, le droit reconnu au propriétaire du sol de capter les eaux des nappes souterraines à hauteur de ses besoins pose de plus en plus question (1.2.3.2.3, p 50 et 2.5.2.5, p 204).
L’articulation future entre tous les documents d’aménagement relatifs à l’eau (SDAGE, SAGE, SCOT, PPRN, documents d’urbanisme, schémas de cohérence écologiques, schémas agricoles, trames bleue et verte…) selon des logiques plus ou moins contraignantes (porté à connaissance, prise en compte, compatibilité, conformité) soulèvera également des difficultés nombreuses.
4-Les moyens d’application du droit
Les moyens humains. Les moyens humains consacrés à l’élaboration et au contrôle du droit de l’eau demeurent mal appréhendés en raison de l’hypercomplexité, fruit des sédimentations de l’histoire, qui s’est installée et de la surabondance de textes, d’outils juridiques, de procédures, d’institutions, d’opérateurs, d’organismes…. Et iI est d’autant plus difficile de se prononcer sur leur caractère suffisant ou insuffisant que des simplifications juridiques et administratives devraient permettre de beaucoup mieux utiliser les moyens existants.
Les réseaux et bases de données sur l’eau. Pour élaborer des politiques cohérentes, rendre compte de l’atteinte des objectifs à l’Union européenne et contrôler la bonne application du droit, l’administration devrait disposer d’un système performant de modélisation des flux et d’exploitation de bases de données. Un grand retard a malheureusement été pris dans ce domaine (2.3.7, p 156).
Le financement global. Pour les pouvoirs publics, il n’y aurait pas de problème de financement global de l’eau, mais on ne connaît pas bien, du fait de la parcellisation des responsabilités et des organisations, l’effort financier global consenti (2.3.9, p 163). Il existe par ailleurs un problème de financement au plan international (Financer les objectifs du millénaire, 1.4.4, p 102 et 2.6.2, p 239) et au plan communautaire (Financer la reconquête du bon état des eaux, en sachant que la France repousse une partie de l’effort à 2021 et 2027 grâce aux dérogations dont elle va user). Il en existe probablement un au plan nationallorsqu’on additionne les nombreux défis à relever : l’adaptation au changement climatique et la maîtrise du risque d’inondation ; le financement de la gestion du grand cycle de l’eau, qui n’est pas assuré aujourd’hui ; la mise en oeuvre des nouvelles normes d’épuration et de qualité ; l’amélioration de l’hydromorphologie des cours d’eau ; la concentration de la population en zone littorale et l’interface entre eaux douce et marine du fait des rejets urbains en zone littorale…. Des projections financières à long terme seraient donc bienvenues, qui seraient périodiquement examinées par le Comité national de l’eau.
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1 commentaire:
Vraiment instructif.
Le passage sur l'utilisation accrue des eaux pluviales (2.1.8.) mérite à mon avis qu'on s'y attarde.
Elle met en doute la viabilité économique de la récupération d'eau de pluie en France.
La question devrait plutôt être : dans quelles conditions (prix d'achat, prise en compte des bénéfices environnementaux, etc.) un système de récupération d'eau est-il viable ? En se généralisant, la récupération d'eau de pluie sera de plus en plus abordable.
Pourquoi personne ne se pose de question pour les panneaux solaires...
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