jeudi 9 juillet 2009

Appel à contribution : Risques et inégalités face à la gestion de l’eau en Méditerranée - colloque de Djerba, 24-27 septembre

Le colloque de Djerba, co-organisé par le LADYSS( Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces) et le Laboratoire Systèmes de production agricoles et développement durable de l’ESA Mograne (IRESA Tunisie), permettra de rassembler des chercheurs et des doctorants de différentes disciplines qui aborderont les questions du risque et des inégalités liés à la gestion des ressources hydriques. L’objectif scientifique de ce colloque est de confronter différentes démarches de recherche permettant d’analyser dans différents contextes nationaux les diagnostics faits aux échelles nationale, régionale et locale d’une «configuration hydraulique» confrontée à la gestion des risques.

La problématique de l'eau revêt un caractère stratégique à l’échelle planétaire et cristallise des enjeux multiples, environnementaux, économiques, sociaux et territoriaux. Les risques liés notamment à la raréfaction et à la contamination de la ressource en eau prennent une dimension particulière en Méditerranée où les aléas climatiques et l'inégale répartition des ressources contribuent à accroître la concurrence entre l'irrigation agricole et les besoins domestiques et urbains en constante augmentation. L’eau fait également l’objet d’une nouvelle rhétorique politique et gestionnaire où sont mis en avant des enjeux éthiques, d’équité sociale et de lutte contre la pauvreté, autant de dimensions qui font partie intégrante du développement durable. En effet, avec la notion de justice environnementale, la question de l’inégalité s’élargit à l’inégalité face au risque et la question de l’eau se voit posée non seulement en termes de répartition de la ressource, mais aussi d’accès à une eau propre, considéré comme un droit fondamental à garantir.

La remise en cause de la place prépondérante du secteur agricole dans l’utilisation des ressources hydriques, la nécessité de mieux répartir ces dernières entre différents usages et l’accentuation des risques environnementaux liés à l’irrigation (pollution, salinisation des eaux et des sols notamment) ont conduit partout à une réforme des politiques de l’eau et une réorganisation de ses systèmes de gestion. Au Sud, il s’agit du passage à une politique de gestion par la demande, visant à « rationaliser » l’usage de l’eau, notamment à travers des mesures tarifaires et des techniques d’économies d’eau, mais aussi des réformes institutionnelles visant à une prise en charge de la gestion de l’eau par ses usagers. Au Nord, sur fond de concurrences et parfois de conflits d’usage, l’intégration des questions environnementales conduit à la fois à la mise en place de nouvelles formes de coordination hydraulique et de nouveaux référentiels de gestion. Ce contexte modifie fortement les conditions d’accès à la ressource, génèrent de nouveaux risques dans la pratique de l’agriculture irriguée (coûts accrus, dépendance vis-à-vis des systèmes de gestion collective de l’eau, légitimité sociale de la pratique) et conduit à de nouvelles tensions dans le gouvernement des territoires.

Bien que de nombreux travaux aient déjà été effectués sur la question de la gestion hydraulique dans les pays de la Méditerranée, peu d’entre eux ont porté sur la perception du risque lié à la pratique de l’irrigation agricole, dans sa dimension sociale locale. C’est dans ce contexte que s’inscrit ce colloque proposé par le LADYSS, en lien avec le projet de recherche « Risques et inégalités face à la gestion durable de la ressource hydraulique  en Méditerranée» (RHYM).  Concernant six pays de la rive nord et de la rive sud de la Méditerranée, le projet RHYM s’est fixé comme objectifs de :
1. comprendre comment les agriculteurs irrigants identifient et hiérarchisent les problèmes que font surgir la crise hydraulique et l’expérience croissante d’un risque environnemental,
2. proposer une évaluation critique des expériences de gestion dite participative des ressources en eau, notamment de leur rôle dans la minimisation ou l’aggravation des risques et des inégalités liés à l’irrigation.

S’appuyant en partie sur les résultats du projet RHYM, le colloque de Djerba, ouvert à la communauté scientifique, permettra de rassembler des chercheurs et des doctorants de différentes disciplines qui abordent les questions du risque et des inégalités  liés à la gestion des ressources hydriques. L’objectif scientifique de ce colloque  est de confronter différentes démarches de recherche permettant d’analyser dans différents contextes nationaux les diagnostics faits aux échelles nationale, régionale et locale d’une « configuration hydraulique » confrontée à la gestion des risques.
Le colloque s’articule autour de quatre grands axes dans lesquels pourront s’inscrire les réponses à cet appel à contributions.

Les agriculteurs irrigants sont  soumis à une multitude de risques liés à la production et à la commercialisation et sont confrontés à des choix difficiles qui conditionnent leurs comportements vis-à-vis de la ressource eau. Les risques relatifs à la production sont essentiellement d'ordre économique et environnemental. Alors que les irrigants intègrent le premier type de risques (économique) et élaborent des stratégies pour le minimiser, ils tendent à être moins conscients des risques environnementaux et à moins prendre en compte ces derniers dans leur processus décisionnel. Ils perçoivent les risques environnementaux comme peu susceptibles d’être réduits par des décisions individuelles – du fait qu’ils touchent l’ensemble des irrigants -  ou comme non susceptibles d’affecter leurs résultats dans le court terme.

Les systèmes de production (choix des cultures, niveaux d'intensification, décalage des cycles de production, etc.) sont conditionnés par les opportunités commerciales et par les rapports de forces qui s’établissent entre les multiples acteurs opérant sur les marchés. La relation marché-système de production exprime fondamentalement un rapport au risque économique et des stratégies visant à le minimiser. Cette relation reflète aussi les tensions dans les processus de décision et les stratégies de valorisation de la ressource eau qui doivent prendre en compte, outre les  aspects techniques de la gestion (plus ou moins maitrisés), les déterminants du marché (prix, offre, demande, circuits de distribution, saisonnalité, etc.).
L’axe thématique « Marché, échanges et systèmes de production » apportera des éclairages sur les risques liés au marché, et plus particulièrement à la commercialisation, en liaison avec les systèmes de production (y compris dans leurs aspects techniques) et contribuera à mieux comprendre les stratégies d'adaptation des agriculteurs des différents contextes nationaux et locaux. Il s’agit notamment de répondre aux questions suivantes :
1. Un système de commercialisation performant (eg. une faible marge commerciale) et des systèmes de production adaptés aux attributs des ressources et des marchés peuvent-ils réduire le risque lié à l'irrigation?
2. La complexité des marchés, la diversité des circuits de commercialisation et les difficultés des prévisions de l'offre et de la demande (et par conséquent des prix) sont-elles de nature à accroitre la perception des risques chez les irrigants ?

La notion d’inégalité environnementale est définie le plus souvent comme une forme spécifique d’inégalité sociale qui concerne soit l’exposition aux pollutions ou aux risques, soit l’accès à la nature ou aux aménités urbaines ou rurales. Une définition plus large de cette notion prend également en compte, au-delà des inégalités d’exposition aux risques et aux nuisances, les inégalités de production des maux environnementaux et la distribution inégale des « droits » à polluer et à dégrader l’environnement (inégalités écologiques). Les champs d’application de la notion d’inégalités environnementales sont nombreux : santé, habitat, rapports Nord/Sud, etc. Dans le domaine de l’eau, la question de l’accès à la ressource hydrique symbolise les plus grandes inégalités au niveau de la planète et figure au tout premier plan de l’agenda international. Les débats internationaux mettent de plus en plus en avant les enjeux éthiques, d’équité sociale et de lutte contre la pauvreté liés à l’eau (droit à l’eau). Cet axe thématique propose d’explorer la notion d’inégalités environnementales (écologiques) et d’inégalités face au risque dans le champ des recherches sur l’eau. Il s’interroge également sur les liens entre inégalités écologiques et inégalités sociales. Quatre dimensions de ces inégalités écologiques liées à l’eau sont retenues:
1. Les inégalités d’accès à l’eau, 2. les inégalités d’exposition aux nuisances et de perception des risques liés à l’usage de l’eau, 3. les inégalités de production de nuisances et de maux environnementaux liés à l’eau, 4. les inégalités dans la capacité d’action des usagers de l’eau, plus particulièrement celles résultant de l’organisation et du fonctionnement des dispositifs de gestion de l’eau.

La construction sociale et technique du risque est affaire de confrontation à l'incertitude : celle du marché, celle de la complexité technologique, celle des aléas de la nature, celle du comportement d'autrui. Chaque individu est plus ou moins perméable à ces différentes incertitudes, propose une hiérarchie entre elles et compose avec elles pour les réduire quand il n'en fait pas un appui pour orienter son comportement. L'objectif de cet axe est de comprendre en quoi ces expériences, ces choix, ces stratégies au niveau individuel répondent à des logiques sociales et techniques et d'analyser la place qu'y occupent les dispositifs sociotechniques liés à l'irrigation. En effet, une piste de réflexion est à mener à l'échelle des pays méditerranéens pour comprendre comment la construction du risque s'inscrit dans une logique, soit de prise de risque pouvant être liée à l’innovation, soit assurantielle révélant au contraire une aversion pour le risque. Les dispositifs techniques comme le rapport à la technique seront examinés sous l'angle de leur capacité à permettre une maîtrise ou au contraire une dépendance des individus dans différents contextes sociotechniques. Cet axe thématique propose donc d'explorer l'articulation entre dispositifs sociotechniques de la gestion de l'eau et vulnérabilités. Trois angles d'approche seront privilégiés:
1. y-a-t-il un lien entre la configuration des dispositifs sociotechniques et l'expression des vulnérabilités ?
2. le rapport aux autres groupes sociaux comme le rapport aux institutions sont-ils des facteurs de réduction ou d'aggravation de ces vulnérabilités ?
3. quelles sont les modalités de réponses (technique, adaptation ou innovation) et quels comportements d'anticipation génèrent ces situations vulnérables (adhésion à des modèles ou rejet, logiques techniques de dépendance ou de maîtrise, …) ?

 La gestion de l’eau offre un terrain concret d’observation de la transformation des cadres institutionnels et territoriaux de la gestion des ressources naturelles et de l’émergence de nouvelles formes de gouvernance territoriale, réorganisant les rapports entre acteurs publics, privés et associatifs. Elle constitue un lieu d’investigation particulièrement intéressant des interactions, et de la manière dont sont négociées les tensions, entre logiques individuelles et exigences de l’action collective. Générant des dispositifs de gestion plus complexes, les nouvelles approches participatives et intégrées de la question hydraulique conduisent à s’interroger sur :
1. les conditions du passage d’une gestion étatique à une gestion par les usagers ou d’une refondation du  partenariat public/privé,
2. les conditions du passage d’une gestion de l’eau conçue comme ressource pour la production à une gestion concertée multi-fonctions,
3. les modalités d’articulation entre anciens et nouveaux dispositifs de gestion,
4. les échelles territoriales pertinentes pour la gestion de l’eau (territoire institutionnel, territoire de la ressource, territoire technique).

* L’UMR Ladyss « Dynamiques sociales et recomposition des espaces » est un laboratoire pluridisciplinaire associant deux disciplines principales, la géographie et la sociologie et quatre sites. Elle est contractualisée avec quatre universités – Paris 1, Paris 7, Paris 8 et Paris X Nanterre (université de tutelle), et rattachée à deux sections du Comité national de la recherche scientifique, la section 39, « Espaces, Territoires, Sociétés » (section principale), et la section 36 « Normes et Règles ». Sa direction est assurée par un sociologue, Jean-Paul Billaud. Le laboratoire consacre ses travaux à l’étude des processus et formes actuels de recompositions sociales et spatiales en rapport avec la mondialisation et les problèmes d’environnement. Mieux relier ces processus et leurs différentes composantes, en combinant les approches et les points de vue disciplinaires et à travers la confrontation d’analyses menées à différents niveaux et différentes échelles et dans des contextes territoriaux diversifiés, représente l’objectif d’un projet qui s’inscrit d’emblée dans le mouvement de décloisonnement sémantique et thématique qui traverse les sciences sociales.


Lieu et dates du colloque
Djerba, 24-27 septembre 2009


Responsables scientifiques
Jean-Paul Billaud, Alia Gana
Envoyer  un résumé de votre communication d’une page avant le 05 septembre 2009 aux responsables scientifiques
Alia Gana : agana@u-paris10.fr
Jean-Paul Billaud : billaud@u-paris10.fr

http://calenda.revues.org/nouvelle14212.html

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