mardi 19 janvier 2010

Quand la Chine mourra de soif...

Comment satisfaire une consommation d'eau qui explose quand les ressources se raréfient ? L'exemple de la préfecture de Yulin, au Shaanxi, dans le nord du pays.
Le nord de la province du Shaanxi a toujours eu des problèmes d'eau. Mais le développement industriel – et surtout l'arrivée d'un puissant secteur chimique – a aggravé la situation. “L'incompatibilité entre les ressources en eau limitées de notre région et les besoins sans cesse plus importants des différentes industries en plein développement paraît de plus en plus flagrante”, constate Ai Ping, le directeur de l'Office des eaux de la municipalité de Yulin.
Ces dernières années, les précipitations ont eu tendance à diminuer à Yulin, la zone la plus gravement touchée par l'érosion de tout le bassin du moyen et du haut fleuve Jaune. “Le plan d'utilisation des ressources en eau dans la circonscription de Yulin estime que, sur les 1 726 millions de mètres cubes nécessaires, 480 millions vont manquer en 2020 ; en 2030, le déficit sera de 920 millions de mètres cubes”, s'inquiète Ai Ping.
Le démarrage d'une série de projets industriels grands consommateurs d'eau a aggravé la pression sur les ressources en eau dans la municipalité. Selon un professionnel, l'industrie houillère nécessite par définition des investissements importants. Pour la rendre plus rentable, il faut donc réaliser des exploitations de grande taille. Mais, si l'eau vient à manquer, c'est toute la rentabilité du projet qui est sévèrement remise en question.
L'activité agricole est gourmande en eau. En 2008, indique l'Office des eaux, l'irrigation comptait pour 74 % des besoins en eau de Yulin. La municipalité a voulu moderniser les pratiques agricoles, et ces dernières années ont vu un accroissement des surfaces consacrées à l'agriculture de qualité à haut rendement, qui compte essentiellement sur l'irrigation pour parvenir à une hausse de la production de céréales. Cela a créé une demande en eau plus forte, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif.
Le souci de la municipalité d'améliorer l'environnement urbain par des efforts paysagers, du type espaces verts et fontaines implique également l'utilisation de grandes quantités d'eau. Le long de la route nationale 307, qui relie le chef-lieu de la préfecture de Jingbian au bourg de Dongkeng, la moitié des grands peupliers blancs sont morts de sécheresse. En raison de l'exploitation des gisements naturels, la préfecture, déjà pauvre en eau, est désormais la partie de la circonscription de Yulin qui connaît la baisse la plus préoccupante de ses nappes phréatiques. Le bourg de Qingyangcha ne peut plus consommer l'eau de ses puits, devenue saumâtre, et ses 2 000 foyers (soit près de 8 000 personnes) sont obligés d'aller acheter de l'eau ailleurs.
Les relevés montrent que, de 1992 à 2008, les réserves en eaux souterraines de la région désertique s'étendant au nord de Yulin ont diminué de 860 millions de mètres cubes. Ce phénomène est essentiellement dû à la destruction par l'homme des ressources naturelles. “Les réserves en eaux souterraines de Yulin se situent à des niveaux peu profonds : à quelques mètres ou dizaines de mètres. Or, dans la plupart des mines de charbon, les forages vont jusqu'à 50 à 200 mètres ; ils traversent forcément les nappes phréatiques, perforant leur couche imperméable, formant des sortes d'entonnoirs souterrains par lesquels les eaux de surface se répandent, d'où une baisse du niveau de la nappe”, explique Wang Zhenze, le responsable du bureau des ressources hydriques de l'Office des eaux de Yulin. Encore plus préoccupant est le phénomène d'effondrements dans les mines de charbon à ciel ouvert, qui peut entraîner une infiltration des eaux de surface dans les failles. A proximité des houillères, ces eaux de surface sont souvent polluées et risquent de provoquer une nouvelle pollution des eaux souterraines peu profondes.
Parmi les principes que doit respecter une houillère, il y a celui d'exploiter le charbon en préservant les ressources en eau, mais, dans la réalité, rares sont les entreprises qui y parviennent, à la fois parce qu'elles ne disposent pas de techniques assez poussées et parce que cela augmente le coût de revient de l'exploitation, d'où le manque d'empressement des sociétés minières à se conformer à leurs obligations. Actuellement, dans la préfecture de Shenmu, une dizaine de cours d'eau sont déjà à sec, tandis que la principale rivière, la Kuye, ne coule plus que quatre mois sur douze. La circonscription de Yulin, qui comptait 869 lacs avant l'exploitation des mines, en dénombre désormais moins de 80. En mars 2009, dans une usine d'engrais azotés de Yulin, 1 000 mètres cubes d'eaux usées de quatre bassins d'épuration ont été déversés dans la rivière Yuxi, rendant impropre à la consommation l'eau distribuée aux populations en aval. A la suite de cet accident, les responsables ont été interpellés et l'arrêt de la production a été ordonné.
Selon un professionnel, les entreprises ont vraiment du mal à parvenir au “zéro rejet polluant”, et bien souvent leurs stations d'épuration ne fonctionnent pas normalement. Tout cela est surtout une histoire de coût de revient. Ye Xingshan, le président de la compagnie des eaux de Yulin, le confirme : “Yulin n'a pas encore de tarification équilibrée de l'eau à usage industriel. Dans la très grande majorité des cas, le prix de l'eau est plus bas que le coût du traitement des eaux usées. De ce fait, les entreprises préfèrent acheter de l'eau propre bon marché plutôt que payer cher pour traiter leurs eaux usées.” Un projet d'augmentation du prix de l'eau destiné à rendre les gens plus responsables est à l'étude à l'échelle nationale.
Le directeur adjoint du bureau de la protection de l'environnement, Xue Zhanshan, explique : “Yulin a décidé de partir du principe que la protection de l'environnement doit primer quand elle accorde des autorisations aux nouveaux projets. Par ailleurs, elle a intensifié ses efforts pour faire appliquer les règlements, ce qui a permis de faire nettement chuter les indices de pollution des trois principales rivières (Wuding, Yuxi et Kuye). A ce jour, quatre stations d'épuration des eaux usées ont été construites dans la circonscription et nous espérons cette année faire en sorte que la moitié des installations soient dotées d'une station d'épuration.”
Les autorités de Yulin ont fait le choix d'économiser l'eau dans leur mode de développement. “Nous avons été très sévères pour accorder des autorisations de prélèvement à certaines entreprises très grandes consommatrices d'eau. Nous avons imposé un système d'accès restreint à l'eau et avons encouragé les usines consommant beaucoup d'eau à utiliser les techniques industrielles avancées en vigueur à l'étranger. Par exemple, certaines grandes centrales électriques ont désormais recours au refroidissement par air plutôt que par eau, ce qui leur permet de réduire leur consommation de près du tiers”, explique M. Wang. Dans l'agriculture, les gigantesques volumes d'eau utilisés (74 % du total dans la circonscription de Yulin) cachent des gaspillages dus au mode d'arrosage traditionnel. Selon Ai Ping, “Yulin vient d'achever une étude de faisabilité portant sur la mise en place de programmes d'irrigation économes en eau sur près de 67 000 hectares. Une fois que les paysans auront adopté ces techniques d'irrigation, la quantité d'eau nécessaire pour arroser 1 mu [660 m²] passera de plus de 300 m3 à moins de 100 m3. On espère une économie totale de 200 millions de mètres cubes, soit davantage que la quantité d'eau que fournira le barrage de Wanggedu.” “Le réservoir de Wanggedu, qui a fait l'objet de 4,3 milliards de yuans d'investissements et qui doit entrer en service en 2011, fournira bientôt 150 millions de mètres cubes d'eau au parc industriel de Yuheng, mais celui-ci a besoin de 450 millions de mètres cubes”, explique Ye Xingshan, qui place surtout ses espoirs dans le fleuve Jaune pour résoudre ce problème d'approvisionnement en eau.

Source : courrier international

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