La Tunisie reçoit en moyenne un volume d’eau de 36 Milliards de m3 de précipitations annuelles alors que le potentiel en eau est de 4,570 Milliards de m3 : 2,700 Milliards de m3/an représentent les eaux de ruissellement et 1,870 Milliards de m3/an vont alimenter tous les ans les nappes qui constituent les ressources renouvelables en eaux souterraines. La confrontation entre les ressources et les besoins, qui croissent d’une année à l’autre, fait apparaître un déficit. Pour combler ce déficit, une stratégie s'articulant sur la recherche de ressources non conventionnelles et l'économie de l'eau a été adoptée. Cette stratégie comporte essentiellement la réutilisation des eaux usées et traitées, la réutilisation des eaux de drainage, le développement des techniques d'économie d'eau (eau potable et irrigation) et le transfert de l'eau.
La Tunisie demeure un pays aride à semi-aride sur les ¾ de son territoire. Elle se caractérise par la rareté de ses ressources en eau et par une variabilité accentuée du climat dans l’espace et dans le temps. L’eau est un facteur essentiel pour le développement du secteur agricole, industriel et touristique et vital pour l’alimentation en eau potable. Le maintien de la croissance économique reste tributaire du facteur eau qui est cependant un facteur limitant et limité.
Le régime des pluies en Tunisie est le régime méditerranéen, mais il est loin de présenter un caractère uniforme. La Tunisie comme toute l’Afrique du nord est placée sur une zone de discontinuité climatologique sur laquelle des faibles causes peuvent produire des effets excentriques très importants par rapport aux normes (exemples des pluies de Septembre-Octobre de 1969, de Mars 1973 et de Janvier 1990). La Tunisie reçoit en moyenne un volume d’eau de 36 Milliards de m3 de précipitations annuelles (avec une moyenne de 230 mm/an). A cette mauvaise répartition spatiale de la pluviométrie vient s’ajouter une répartition temporelle très irrégulière .
Le potentiel des ressources en eau en Tunisie a subi une évolution considérable depuis les années 70 Les ressources en eau mobilisable sont passées de 2,6 Milliards de m3 en 1990 (soit 57% des ressources) à 3,6 Milliards de m3 en 1999 (soit 79% des ressources), 3,85 Milliards de m3 en 2001 (soit 84% des ressources) et 4,1 Milliards de m3 en 2004 (soit 90% des ressources). Plusieurs nouvelles infrastructures hydrauliques ont vu le jour au cours de la dernière décennie : 11 grands barrages, 50 barrages ou lacs collinaires… autant d'infrastructures devant couvrir des besoins croissants.
Pour un climat méditerranéen (type pays du nord de la Méditerranée), les besoins par habitant se répartissent comme suit :
• besoins domestiques : 30 m3/an
• besoins industriels : 20 m3/an
• besoins agricoles : 400 m3/an
Total 450 m3/an
Actuellement la population de la Tunisie est de 10 Millions d'habitants. Deux scénarii quant à l’évolution des besoins en eau par habitant sont envisageables :
a) Scénario 1 : Un niveau de vie d'un européen actuel (besoin de 510 m3/an/habitant pour une agriculture de pays tempéré)
Besoin de 10 Millions d'habitants*510m3/an/habitant : 5,1 Milliards de m3
Ressources : 4,570 Milliards de m3
Déficit : 0,53 Milliards de m3
b) Scénario 2 : Un niveau de vie d'un européen actuel (besoin de 1200 m3/an/habitant pour une agriculture intensive et en tenant compte de l'aridité)
Besoin de 10 Millions d'habitants*510m3/an/habitant : 12 Milliards de m3
Ressources : 4,570 Milliards de m3
Déficit : 7,43 Milliards de m3
En ce qui concerne la Tunisie, la réalité se situe dans un scénario intermédiaire. Donc, d'un déficit qui peut être important. C'est pour cette raison qu' a été adoptée une stratégie qui s'articulera sur la recherche de ressources non conventionnelles et l'économie de l'eau.
Le développement de l'urbanisation, du tourisme et de l'industrie ont poussé les autorités tunisiennes à entreprendre les mesures adéquates afin de protéger les sites de rejet des eaux usées d'une pollution certaine à plus ou moins longue échéance. La création des stations d'épuration autour des principales concentrations urbaines et touristiques est devenue impérative comme mesure de prévention et de réduction du risque. Avec la réalisation des stations d'épuration dans les diverses régions du pays, le volume des eaux épurées rejetées devient de plus en plus important. Ces eaux constituent actuellement des ressources non négligeables pour la création des périmètres irrigués. Les rejets des eaux usées des stations d'épuration dépassent 170 Millions de m3/an en 2006. Cette eau de "seconde main" est toujours disponible indépendamment des saisons. Le recyclage de ces importantes quantités d'eau en agriculture (culture fourragère et certaines cultures fruitières) est une solution judicieuse. La réutilisation de ces eaux traitées débouchera sur deux profits capitaux pour l'agriculture (en tenant profit des éléments fertilisants que l'eau usée peut apporter à la plante) et pour l'environnement (en éliminant une eau traitée présumée encore dangereuse pour certains milieux récepteurs).
Les eaux de drainage constituent une ressource non négligeable. Les superficies irriguées sont estimées à 345000 ha qui représentent 7% de la superficie agricole utile, tout en mobilisant presque 1500 Millions de m3/an d'eau d'irrigation. Approximativement, nous pourrons récupérer de ces eaux d'irrigation 150 Millions de m3/an qui pourront être surveillés (sur le plan qualité) et réutilisés.
L'économie de l'eau demeure une composante principale de la gestion des ressources en eau. L'ensemble des pertes entre la production de la ressource et son utilisation est estimé à 25% en 1998. Si on ajoute les différents gaspillages afférents à une mauvaise ou sous-utilisation de la ressource, on peut estimer à 35% du volume global de la ressource, les quantités d'eau qui sont actuellement perdues. Plusieurs tentatives d'économie d'eau ont été utilisées en Tunisie.
Pour le secteur agricole :
• la modernisation des conduites d'adduction et des réseaux d'irrigation,
• l'amélioration de la gestion de l'eau à la parcelle: techniques d'irrigation, par exemple l'utilisation de l'irrigation au goutte à goutte; actuellement l'Etat finance entre 40 à 60 % du prix du matériel utilisé pour l'irrigation dans le but d'une économie de l'eau,
• l'introduction des techniques nouvelles de contrôle de l'irrigation (irrigation déclenchée par mesure automatique du stock d'eau dans le sol, ferti-irrigation permettant de valoriser au mieux les intrants, contrôle de fertilisants dans le sol,…),
• l'encouragement des associations d'agriculteurs ayant pour tâche le partage et la gestion de l'eau.
Pour l'eau potable :
• la modernisation des conduites d'adduction et des réseaux de distribution d'eau ainsi que l'instauration des systèmes de détection et de contrôle de fuites. Par rapport aux volumes d'eau distribués, le pourcentage des volumes d'eau perdus est passé de 30% en 1990 à 17% en 2008, malgré l'augmentation des volumes d'eau distribués qui sont passés de 180 Millions de m3 en 1987 à 365 Millions de m3 en 2008.
• L'amélioration des caractéristiques des accessoires sanitaires (robinetterie, chasses d'eau)
• la sensibilisation des utilisateurs en commençant par les gros consommateurs (hôteliers, administration, usines,…)
• la révision de la tarification des eaux : taux progressifs en fonction du volume consommé. Uneét ude faite par la Société Nationale de Distribution de l'Eau a permis de constater qu'entre 1984 et 1994, une bonne partie des gros consommateurs (> 150 m3/trimestre) a été répartie en moyens et faibles consommateurs (<70m3/trimestre).
La Tunisie se trouve enfin confrontée au problème de non coïncidence des secteurs de consommation de l'eau avec sa production. Le développement agricole est soutenu dans les diverses régions du pays et une concentration urbaine est accélérée dans les zones côtières. Le transfert de l'eau est destiné à corriger les écarts de distribution spatiale et à réduire les inadéquations ressources/besoin en accordant la priorité à la satisfaction en eau potable et au rendement maximum du m3 d'eau. Pour permettre une gestion souple de l'ensemble des ouvrages, deux grands axes ont guidé leur conception : possibilité d'interconnexion entre les barrages (situés dans un même bassin versant) et possibilité du transfert d'un bassin versant à un autre. Cette conception a permis d'optimiser la gestion en évitant le plus possible les déversées de barrages rejetés vers la mer et de stocker ainsi le maximum d'eau, et en améliorant la qualité d'eau utilisée par la possibilité de mélange entre les apports des affluents de différentes qualités.