- Les tensions, du plan international au niveau local, proviennent principalement d'une raréfaction attendue de la ressource ; d'un point de vue macro-économique, si l'on admet le rapport basique de corrélation inverse entre le facteur prix et la consommation, c'est la hausse du prix de l'eau qui est la plus à même d'en garantir la préservation et la disponibilité. Partant, l'augmentation substantielle de la facture des usagers, contre laquelle se cristallisent pourtant nombre de revendications, apparaît comme la nécessité première d'une gestion éco-responsable (nous attendons toujours de voir un mouvement écologiste réclamer le passage à un tarif de 5 euros le mètre-cube, comme ce fut le cas pour le litre d'essence). Bien entendu, tout un système de solidarité entre les usagers démunis et les usagers aisés reste à penser pour que ce tarif reste socialement acceptable : là-dessus, l'exemple de nombreux pays en voie de développement, qui ont mis en place une politique de tarification favorable aux petits consommateurs, pourrait être suivi. Reste qu'une eau chère (qui n'est pas, contrairement à l'idée reçue, l'apanage d'un système de délégation de service public plus que d'une régie) devient pour tous ce qu'elle doit être, ce qu'elle est dans la nature, c'est-à-dire un bien précieux.
- La qualité de l'eau doit être, partout, la priorité non négociable de toute organisation régissant l'accès à la ressource. La question politique n'est donc pas de savoir s'il faut remettre les clés de la gestion de l'eau à des entreprises privées, ou s'il faut collectiviser telle ou telle partie de l'activité. L'enjeu est de mettre en place un système de gouvernance permettant la transparence et l'audit extérieur nécessaires à une gestion parfaitement fiable, ce qui implique la distinction entre l'opérateur et le contrôleur d'une part, la possibilité de mettre en concurrence l'opérateur d'autre part.
Nous ne sommes pas, on l'aura compris, de ceux qui promeuvent une gestion purement libérale de l'eau (il y aurait d'ailleurs à dire sur le mésusage du terme de privatisation, qui ne correspond à aucune réalité dans la distribution d'eau en France) : en tant que cette question s'articule aux préoccupations de santé publique, elle demeure ordonnée de plein droit au politique. Mais il importe de reconnaître, au sein d'un débat dépassionné, les avantages objectifs des différents modèles économiques, en renonçant à agiter les fantoches éculés d'une extrême gauche qui se cherchent de nouveaux spéculateurs empoisonneurs, et à motiver des comportements de consommation irresponsables.