A deux pas du plus grand projet d'adduction d'eau jamais planifié, Li Yunxi regarde ses plans de maïs rabougris, souffrant de la sécheresse depuis des semaines. "Nous, les gens ordinaires, nous n'osons pas prendre cette eau. Elle est pour Pékin et ici on ne la vole pas", dit Li en désignant un canal faisant partie du Projet de dérivation Sud-Nord, ambitieux mais peinant à se concrétiser. Chez Li, dans la province centrale du Hebei, les températures flirtent avec les 40 degrés depuis des semaines, les rivières et puits sont depuis longtemps taris. Mais, malgré son déficit en eau, le Hebei reste mis à contribution pour approvisionner Pékin.
Il y a quelques mois, le gouvernement a annoncé que le grand canal central du Projet Sud-Nord, qui doit acheminer les eaux d'un affluent du fleuve Yangzi à 1.300 km de Pékin, vers la capitale et sa grande région, ne serait pas achevé avant 2014, en retard de cinq ans. Une épreuve pour le nord de la Chine qui manque cruellement d'eau, alors que le réchauffement climatique aggrave la situation et que la demande en eau est de plus en plus forte, surtout à Pékin et dans le Hebei qui l'entoure, soit une population de 96 millions de personnes.
Aujourd'hui, une portion de canal de 300 km achemine de l'eau prélevée dans les réservoirs du Hebei, de la ville de Shijiazhuang vers la capitale. Le canal au-dessus des terres de Li, disparaît dans les parages du lit asséché de la rivière Yishui pour ne réapparaître que sur l'autre rive, près d'une station de pompage souterrain. "Il n'y a pas eu d'eau dans la rivière depuis 30 ans", dit le paysan au teint cuivré, en sueur sous son chapeau de paille.
Le puits familial aussi a rendu l'âme il y a une dizaine d'années et Li, comme d'autres villageois, dépend de l'eau, onéreuse pour lui, sortie de la station de pompage. Pour combien de temps ? "Au début, ils allaient pomper l'eau à 30 ou 40 m de profondeur, maintenant c'est plus de 100". Les nappes phréatiques vont rester exploitées tant que le canal ne sera pas opérationnel, cet énorme projet à trois voies du Sud humide vers le Nord aride, de 400 milliards de yuans (quelque 40 milliards d'euros).
"Avec le retard de cinq ans, la crise (hydrique) va s'aggraver dans le Nord", souligne Zhang Junfeng, un expert de l'association de protection de l'environnement Green Earth Volunteers. "Le Projet Sud-Nord visait à réduire le volume des eaux souterraines utilisé dans les zones urbaines", explique-t-il aussi. Zhang estime que Pékin a déjà pompé près des deux tiers de ses nappes, avec des puits pouvant aller jusqu'à 1.000 m de profondeur.
Selon les plans publiés par la presse officielle, en 2014 quelque 13 milliards de mètres cubes d'eau de l'affluent du Yangzi devraient parvenir au Nord chaque année, dont le dixième affecté à Pékin, qui en 2008 a consommé 3,5 milliards de mètres cubes d'eau. Le reste de l'eau détournée du Sud approvisionnera d'autres grandes villes et régions sur la route du canal et notamment le Hebei. Un volume significatif devrait être perdu en évaporation et fuites, a reconnu le gouvernement.
Selon la presse, les retards sont dus à des surcoûts mais aussi à la difficulté de déplacer jusqu'à 300.000 personnes vivant sur le trajet prévu. Les délais sont aussi liés à la nécessité de construire à grands frais des stations de traitement de ces eaux extrêmement polluées sur la voie est du projet. Côté ouest, le canal qui devait transférer les eaux du Yangzi vers le fleuve Jaune, le long du plateau tibétain, a été reporté sine die, selon la presse. Si cet abandon est confirmé, il devrait faire retomber le coût total du projet, ont estimé les médias.
Source : AFP
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