jeudi 6 novembre 2008

EriK Orsenna publie la suite de son ouvrage sur le coton : « l’avenir de l’eau »


Erik Orsenna publie « L’avenir de l’eau », suite de son ouvrage sur le coton. Interrogé par le magazine Challenges, il insiste sur la diversité des situations d'accès à l'eau de par le monde : « Il n'y a pas de crise globale de l'eau, mais des tensions locales. L'eau explique l'articulation entre le global et le local. Economiser de l'eau au Canada ne résoudra pas le problème du Maghreb. Récupérer la rosée du brouillard dans le désert qui permettra à un village d'avoir 1 000 litres le matin est une solution locale. L'eau, c'est lourd et fragile, donc il n'y a pas de marché global. Dans le monde vers lequel on s'achemine, il n'y aura pas de solution unique. » Et de souligner que la situation actuelle est catastrophique : « un milliard d'habitants de la planète n'ont pas accès à l'eau et 2,6 milliards vivent sans système d'évacuation des eaux usées, 25 000 êtres humains meurent chaque jour faute d'eau, dont la moitié sont des enfants. Pasteur dénonçait le fait que 90% des maladies ont pour origine des carences en matière d'eau. Ce qui était vrai dans son temps l'est plus encore aujourd'hui. L'absence d'eau tue dix fois plus que les guerres. Notre avenir est encore plus inquiétant que notre présent. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: les réserves mondiales par habitant sont passées de 16800 mètres cubes en 1950 à 7300 en 2000 et atteindront probablement 4800 mètres cubes en 2025. Il faut avoir le courage de dire que les objectifs du Millénaire paraissent hypocrites. Les investissements consentis chaque année pour améliorer le système d'accès à l'eau atteignent aujourd'hui presque 15 milliards de dollars. Cela est nécessaire, mais cela ne suffit pas. À partir de là, il reste à construire l'avenir. »

Orsenna insiste sur la question de l’accès à l’eau : « L'accès à l'eau est un problème urgent. Dans certaines régions de la Chine, par exemple,il faut puiser à plus de 1000 mètres pour trouver de l'eau non contaminée; le lac Tchad a perdu 95% de sa surface; la mer d'Aral a presque été rayée de la carte. On pourrait multiplier à l'envi ce type d'exemples. Mais le vrai problème reste celui de l'accessibilité. À mon avis, le problème principal n'est pas celui du gaspillage de l'eau, ils sont ceux de l'agriculture et ceux du non-traitement des eaux usées. Concernant l'agriculture: 73% de l'utilisation de l'eau douce est assurée par l'agriculture (contre le 21% pour l'industrie et 6% pour les usages domestiques). Il faut 4500 litres d'eau pour produire un kilogramme de riz. Le 40% de l'alimentation mondiale est produit par un système d'agriculture irriguée. Or, 20 à 60% de l'eau prélevée par ces systèmes s'évapore pendant processus. Concernant le non-traitement des eaux usées, rappelons que, dans les pays en développement, 40 à 60 % de l'eau est perdue, en raison d'infrastructures défaillantes. Sur le fond, l'un des problèmes majeurs reste celui de l'inégalité d'accès à l'eau. Inégalités entre pays, inégalités entre régions, inégalités entre quartiers. Je souligne que 82% de la population d'Afrique a des difficultés d'approvisionnement d'eau contre 35% des Américains et que la consommation quotidienne d'eau à usage domestique est de 300 à 600 litres en Europe contre 10 à 40 en Afrique. »

Orsenna propose quatre solutions : « Le renforcement de l'Aide publique au développement dans l'intérêt des lignes d'action de collecte et de gestion de l'eau. La priorité doit être donnée à la gestion des problèmes agricoles. C'est dans ce domaine qu'il faut porter le fer en priorité. Et l'Europe, qui subventionne son agriculture doublement puisque celle-ci bénéficie, en plus de la PAC, d'une tarification privilégiée en matière d'eau, se doit de mettre un terme à cet égoïsme aux conséquences meurtrières. Encore... la gestion de l'existant. Commençons par mieux gérer les ressources dont nous disposons. Priorité dans ce domaine doit être donnée à la collecte et la gestion des eaux de pluie. Avec une difficulté. Qui est celle de la gestion des réformes dans le temps. Enfin, la décentralisation des programmes. Fournir de l'eau en Inde coûte en moyenne deux dollars par personne avec les techniques de collecte de l'eau de pluie et plus de 200 dollars si l'on choisit de faire des mégabarrages. »



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