vendredi 30 janvier 2009

La mer à la montagne au lac Titicaca


Le lac navigable le plus haut du monde est essoufflant et époustouflant. Des hauteurs de Puno à l'île Amantini, en passant par les îles flottantes, on baigne dans un paysage de mer intérieure. Une mer pas comme les autres. Une mer à la montagne. Le nom du lac Titicaca amuse petits et grands. Lac Titicaca se traduit littéralement en français par «lac du Puma gris». De langue aymara, le nom à l'origine est Titiqaqa, à l'époque préinca. Titi pour «gato montes», en référence au félin qui habite les hauteurs ceinturant le lac. Et Qaqa pour «pardo, gris», en référence à la couleur du puma des andes. D'où Titiqaqa, «gato montes pardo», le puma de couleur grise. Les conquistadors espagnols ont ensuite changé son orthographe pour en faciliter la prononciation. Ils l'ont alors écrit Titikaka. Sur bon nombre de cartes péruviennes, il est orthographié ainsi. Dans le langage courant international, il est écrit Titicaca.

Sans le lac Titicaca, la vie animale dans la région serait quasiment impossible à cette altitude de 3809 mètres. Il n'y aurait pas la moindre activité agricole.

Sa superficie de 8560 km2 et sa profondeur maximale de 274 mètres confèrent un volume d'eau impressionnant qui agit comme un puissant régulateur thermique. L'eau du lac se refroidit et se réchauffe plus lentement que les terres environnantes, réduisant ainsi les importants écarts de températures entre le jour et la nuit. Cela permet aux habitants des îles et du bord du lac de cultiver des espèces végétales, comme le maïs ou la pomme de terre, qui ne poussent pas normalement à cette altitude.

Le lac ne gèle pas en hiver. La température moyenne à la surface varie dans l'année entre 8 °C. et 14 °C. En hiver, la température à Puno, en bordure du lac, descend rarement sous les -5 °C. Aux plus beaux jours, le thermomètre monte à 20 °C l'été. Ou plutôt au printemps. Car pour les habitants de la région, il n'y a que deux saisons : l'hiver, d'avril à août, et le printemps, de septembre à mars. Différentes îles se trouvent sur le lac.

Les îles flottantes du peuple Uros

En mettant les pieds sur l'une des 48 îles flottantes du lac Titicaca, on sent le sol bouger sous nos pas. On marche sur l'eau, on flotte sur cette surface spongieuse.

Après avoir vécu sur de grands bateaux de roseaux, les indiens Uros ont construit ces îles artificielles et leur habitat dès le XIVe siècle. Pour échapper successivement aux Aymaras, aux Incas et aux conquistadors espagnols.

Les couches de roseaux, appelé tortora, reposent sur des blocs de terreau et de racines qui flottent naturellement. Tous les mois, les hommes s'affairent à rajouter une couche pour remplacer celle qui pourrit au contact de l'eau. Également faites de roseaux, les huttes et les embarcations ont une durée de vie limitée.

Aujourd'hui, seulement la moitié de la population vit en permanence dans ces îles. Il n'y a plus aucun Uros de souche. La langue a disparu. Le site est exploité touristiquement de manière choquante. Il faut remonter plus au nord, vers la péninsule de Capachica, à une heure et demie de bateau, pour trouver trace de vie plus primaire, plus pauvre, plus isolée. Ceux qui vivent ici sur les roseaux reçoivent très peu de visite. Ils n'en veulent pas. Ils sont uniques. Tout comme les îles. Uniques au monde.

L'île Amantani

Sur les hauteurs de l'île Amantani, le lac Titicaca s'étend presque à perte de vue. De l'eau, de l'eau et encore de l'eau. Un semblant d'océan. Et pourtant, nous sommes presque à 4000 mètres d'altitude. Sur une île!

Sur ce caillou qui culmine à 4130 mètres, une dizaine de communautés vivent de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche. D'un peu d'artisanat et de plus en plus du tourisme. Les vanniers disparaissent petit à petit. Certains jours, des familles attendent en haut du quai du pueblo les quelques touristes qui débarquent pour la nuit. Des femmes lavent le linge dans les eaux du lac ou au bord d'un ruisseau. Des hommes font paître des moutons et des chèvres sur des pentes balayées par les vents.

Tous les mercredis, en provenance de la péninsule voisine, des bateaux ravitaillent l'île.

Il n'y a pas de routes, pas de véhicules. L'électricité est produite à partir de quelques panneaux solaires et de groupes électrogènes.

L'homme s'est installé ici durant le premier millénaire avant notre ère. À la recherche de très bonnes terres qui bénéficient d'un microclimat. Les traditions n'ont pas beaucoup changé depuis. Les conditions de vie se sont améliorées. Le tourisme a produit quelques effets, même si Amantani est l'une des îles péruviennes les moins visitées.

Amantani, c'est un autre monde sur l'un des toits de la planète.

L'île Taquile

À la du bateau, on se retrouve dans un tableau de Millet. Sur une des terrasses cultivées, deux boeufs tirent une herse en bois sous la conduite d'un homme. Dans son sillage, quatre femmes sèment du maïs à la main. Un peu plus loin, un homme bêche avec une chakitaclla pour semer des patates.

En montant vers le coeur du village, à travers les terrasses agrippées à flanc de colline, l'île Taquile se dévoile petit à petit. Et ses 3000 habitants également. Les gens de Taquile ont toujours de la coca sur eux, fourrée dans leur sac en bandoulière, la chuspa. Les hommes mariés portent un bonnet andin rouge. Les célibataires, fiancés ou veufs portent le bonnet blanc et rouge. Le tourisme est l'activité la plus importante sur cette terre de 6 km2. Mais on y préserve farouchement son identité et son mode de vie.

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