Par le correspondant de RFI à Istanbul, Jérôme Bastion
Le débit des eaux de l’Euphrate va doubler. C’est une bonne nouvelle pour les Irakiens en cette période estivale. La décision a été prise par la Turquie, le pays où le fleuve prend sa source. L’agriculture en Irak commençait par souffrir du manque d’eau et dans certaines régions le problème de la sécheresse se pose réellement.
Ce n’est un secret pour personne, l’Irak manque dramatiquement d’eau. Ce pays dépend essentiellement, pour son agriculture, du débit des fleuves Tigre et surtout Euphrate. Mais manque de chance, la Turquie poursuit, sur ses deux grands cours d’eau, un programme de vingt-et-un barrages qui permettent d’irriguer et de développer le sud-est du pays, lui aussi très aride.
De fait, la Turquie délivre quatre fois moins d’eau à ses voisins en aval, Syrie et Irak, qu’il y a dix ans, ce qui forcément pose problème. Le réchauffement climatique et la diminution des précipitations, qui sont une réalité concrète en Turquie aussi - l’an dernier la production agricole était en baisse de 20% faute de pluie- oblige Ankara à prélever plus d’eau de ses fleuves, ce qui prive les utilisateurs en aval.
Cela fait quelques mois que Bagdad a tiré la sonnette d’alarme parlant de « catastrophe » pour son agriculture. Cet appel a, semble-t-il, été entendu. La Turquie vient de faire un geste et devrait encore accroître le débit du fleuve jusqu’à 715 m3 par seconde les prochains mois alors qu’il n’était que 130 m3 par seconde le mois dernier.
Eviter la guerre de l’eau
Le geste de la Turquie, est le signe que ces pays voisins peuvent s’entendre sur ce genre de problème sensible, même sans conclusion préalable d’un accord international. C’est en tout cas l’illustration du renforcement des relations entre la Turquie et ses voisins.
Rappelons que les Turcs ont utilisé durant des décennies l’arme de l’eau contre les Syriens qui abritaient la rébellion kurde sur leur territoire. Grâce aux meilleures relations aujourd’hui, des arrangements sont trouvés, mais ils sont purement conjoncturels, faute de se conformer à un système de partage proposé par les Nations Unies. D’ailleurs, très peu de pays sur la planète l’ont ratifié. Pour ce cas précis, les trois pays, la Turquie, la Syrie et l’Irak s’en tiennent à des arrangements à court terme ainsi.
Lors du forum de l’eau d’Istanbul en mars dernier, l’Irak avait tenté en vain de conclure un accord tripartite avec ses voisins turcs et syriens. Damas mettait en avant son programme de grand barrage sur l’Euphrate qui affectera à terme un peu plus le débit de ce fleuve en Irak. Il est bien connu que les derniers arrivés sont les moins bien servis.En l’occurrence, l’Irak, en bout de chaîne, est mal loti.
Toutefois, malgré quelques incidents de parcours, le programme hydraulique turc continue. Officiellement ! Mais il est vrai qu’il y a des retards et même parfois des petits blocages. Des retards dus à des raisons économiques essentiellement parce que la Turquie finance seule ce vaste ensemble hydraulique et hydroélectrique en raison de son caractère parfois polémique. Il y aussi d’autres blocages comme cette opposition récente au projet. Début juillet, les bailleurs de fonds que sont la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche, devraient annoncer qu’ils ne garantiraient pas les crédits pour la construction d’un barrage sur le Tigre à Hasankeyf dans le sud-est, parce qu’il engloutirait un patrimoine archéologique et culturel, jugé important.
Mais en dehors de ces incidents de parcours, le programme de vingt-et-un barrage sur les deux fleuves se poursuit envers et contre tout et malgré l’Irak.
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