Mardi 24 mars, à la Maison de la Chimie à Paris, se tenaient les troisièmes rencontres parlementaires de l’eau sur le thème « Prix et qualité de l’eau : quels outils de gestion d’une ressource vitale ? ».. C’est dans ce cadre qu’est intervenu le géographe Yves Lacoste comme grand témoin « les problèmes de l’eau dans le monde ». Cette intervention a permis de brosser les contours d’une problématique trop souvent abordée sous l’angle de l’actualité, voire dans une simple perspective idéologique. Face à l’intérêt de cette intervention nous allons tenter de rendre compte de façon succincte de son propos.
Le géographe a tout d’abord rappelé que le problème de l’eau se pose à de très nombreuses échelles :
l’échelle de la dizaine de milliers de km, c'est-à-dire l’échelle mondiale (tour de la terre = 40 000 km)
l’échelle du millier de km (celle d’un grand fleuve, transfrontalier)
l’échelle de la centaine de km (celle du bassin versant en France par exemple)
l’échelle de la dizaine de km, du km
et même de la centaine de mètres (gestion d’un quartier)
Evidemment toutes ces échelles doivent s’articuler entre elles et les acteurs connaître les actions qu’ils peuvent et doivent effectuer chacun à leur niveau. C’est ce qui rend le problème très compliqué. Dire que le problème de l’eau est un problème local est une manière de ne rien résoudre d’embrouiller un peu plus la situation. Mais en même temps, une solution internationale pertinente doit être capable de subsumer l’ensemble des particularismes locaux.
Sur la question du changement climatique, M. Lacoste a expliqué que l’effet de serre va globalement augmenter les températures à la surface du globe, mais va avoir des conséquences différentes sur le domaine de l’eau en fonction des parties du Monde.
On peut distinguer une première zone, qui correspond au Nord de l’Afrique, au Moyen-Orient et à une partie de l’Europe occidentale, dans laquelle on va constater une augmentation de l’aridité (ceci ayant par ailleurs peu de conséquences sur une zone comme le Sahara par exemple, qui est déjà très aride). Cela sera le cas notamment en France. Cela aura des effets sur la durée de la saison des pluies, ainsi que sur sa position dans l’année (possibilité d’effet retard).
Ailleurs, on va constater dans certains endroits, au contraire, une augmentation importante des précipitations. C’est le cas dans le sud de la Chine, une partie de l’Asie du Sud-Est et une partie de l’Inde. Les fleuves qui descendent de l’Himalaya coulent sur un remblai d’alluvions arraché à la montagne, dont le niveau est supérieur au niveau de la plaine ; les digues construites pour protéger le milieu environnant cèdent de plus en plus souvent devant le débit des eaux. Au Vietnam, le fleuve rouge coule au niveau du delta, 20 mètres au dessus du niveau de la plaine, enserré dans des digues. A certains endroits de son parcours, ces digues peuvent atteindre 40 mètres de haut et c’est dans les méandres qu’elles risquent le plus de se rompre en cas de crue.
S’agissant des actions à entreprendre, le géographe a condamné les discours politiques simplistes – de bonne ou de mauvaise foi – qui conduisent à décider d’abandonner le terrain, sur un raisonnement du type : on ne peut plus vivre ici, il faut aller ailleurs (que ce soit pour des raisons de manque ou d’excès d’eau).
Selon lui, nous avons le temps de décider la réalisation de toute une série d’ouvrages qui vont permettre de stocker de l’eau. De très bons exemples d’ouvrages de ce type ont été déjà réalisés par le passé : le barrage d’Assouan, en Egypte, a été réalisé alors que l’Egypte comptait 25 millions d’habitants. Elle en compte aujourd’hui 70 millions et on ne voit pas comment elle aurait été capable de les alimenter si elle n’avait pas construit ce barrage, qui a pourtant soulevé beaucoup d’opposition. Autre exemple, les barrages construits par la Turquie pour stocker l’eau dans la zone du Taurus, et qui font « couiner » (sic) la Syrie et l’Iraq. Ces barrages pourraient même permettre d’amener de l’eau au Proche Orient.
Ces ouvrages sont souvent considérés par les écologistes comme une atteinte à l’environnement. Ceux-ci on par exemple obtenu que la Banque Mondiale cesse tout financement de ce type d’ouvrage. C’est pour M. Lacoste une erreur, car il faut savoir sacrifier une petite partie de notre environnement (c’est toujours un effet très local), pour permettre une gestion anticipative de la ressource.
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