Et si la solution à la raréfaction de l'eau passait d'abord par des solutions de bons sens ? En Angleterre, le groupe Thames Water - qui distribue l’eau à près de 13 millions d’habitants autour de Londres - a annoncé son intention d’augmenter ses tarifs de 3% au-dessus de l’inflation entre 2010 et 2015. Thames Water justifie cette augmentation à venir de ses tarifs par la mise en place d'un vaste programme d'investissements de près de 6,3 milliards de livres. Il s'agira notamment de construire un réservoir d'eau de plus de 10 km² permettant d'alimenter en eau toute la région d'Oxfordshire. Mais par ailleurs, dans l'optique d'inciter les consommateurs à réduire leur consommation d'eau, la compagnie britannique adopte une stratégie dont on aimerait qu'elle soit généralisée outre-manche : Thames Water va en effet procéder à l'installation d'un million de compteurs chez les particuliers afin de pouvoir facturer la consommation réelle des foyers équipés.
Il est évident que la hausse du prix de l'eau, si vertueuse soit-elle d'un point de vue macro-économique pour éduquer les consommateurs, n'aura d'effet sur la consommation que si le consommateur est le payeur. Pourtant, en France, cette conclusion a été contestée par une étude réalisée en avril 2008 par Bernard Barraqué , chercheur au CNRS, à la demande de la mairie de Paris. En effet, selon cette étude, la pose de compteurs d’eau individuels dans les immeubles collectifs est une solution onéreuse qui n’entraîne pas de diminution des consommations.
Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) de 2005 évoquait déjà les obstacles à la généralisation de ce mode de tarification, par exemple la modification de la «répartition des responsabilités dans le recouvrement des factures d’eau, entre gestionnaires de l’habitat, syndicats des eaux et distributeurs d’eau». Mais selon Bernard Barraqué, les bailleurs sociaux étaient séduits par ce système, pensant que les impayés seraient désormais gérés par les compagnies d’eau. Le chercheur a donc mené des comparaisons avant/après la pose de compteurs individuels chez des personnes vivant en immeuble.
A Paris, la consommation de trois immeubles étudiés n’a pas diminué. A Toulon, les consommations d’un HLM de 51 logements n’ont pas baissé significativement. Le montant des factures a progressé de 30% avant et après la pose de compteurs individuels et le pourcentage d’impayés s’est avéré très élevé, les abonnements étant considérés comme trop chers par certains abonnés.
Bien que les contextes soient chaque fois différents, l’étude souligne qu’à l’étranger, des changements tarifaires se sont souvent soldés par des échecs. Selon Bernard Barraqué, en Flandres belges, une tarification par blocs croissants (volume initial gratuit de 15 m3/personne/an) a eu des «effets nettement régressifs» car les ménages les plus riches sont dans cette zone géographique ceux qui ont le plus d’enfants. Ils sont donc avantagés par rapport aux catégories sociales fragiles.
Finalement, le chercheur estime que l’aide sociale liée aux services d’eau, qui ne peut être introduite dans le cas d’un comptage collectif, doit être apportée en France dans le cadre d’une aide générale non spécifique à l’eau (diminution de loyer, augmentation des aides au logement…).
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